Chronique : Coroner « Dissonance Theory », le retour triomphal du metal progressif suisse
Trente-deux ans. C’est le temps qu’il aura fallu attendre pour entendre à nouveau un véritable album studio de Coroner. Après Grin en 1993, les Suisses avaient disparu, laissant derrière eux une empreinte indélébile dans le monde du thrash technique et progressif. Leur retour en 2011 laissait espérer une suite, mais il aura fallu de longues années de silence avant que ce moment n’arrive enfin. Avec Dissonance Theory, Coroner signe un retour magistral, à la hauteur de sa légende.
Dès les premières notes, on retrouve tout ce qui fait la signature du trio zurichois : une basse ciselée et imposante, une guitare tranchante et mélodique à la fois, et une batterie d’une précision métronomique. Ron Royce, Tommy Vetterli et Diego Rapacchietti livrent un album d’une intelligence rare, où chaque morceau semble construit comme une architecture métallique parfaite. Les compositions respirent la maîtrise et la réflexion, tout en conservant cette tension nerveuse qui a toujours défini Coroner.
Dissonance Theory n’est pas une simple relecture du passé. Le groupe parvient à fusionner son héritage thrash avec des textures progressives et modernes, sans jamais tomber dans la démonstration. Les riffs s’enchaînent, se répondent, s’entremêlent avec une fluidité déconcertante. La basse et la guitare se complètent, dialoguent, se croisent dans des schémas rythmiques parfois complexes mais toujours organiques. C’est technique sans être froid, dense sans être confus, puissant sans perdre en clarté.
L’album se distingue aussi par son équilibre entre agressivité et subtilité. Certains titres renouent avec la fougue thrash des débuts, d’autres explorent des ambiances plus sombres et introspectives. On sent que Coroner a vieilli, oui, mais avec lucidité et élégance. Ce n’est plus la rage juvénile d’antan, mais une maturité affûtée, une forme de colère contenue qui s’exprime dans la précision des arrangements.
Pour les fans de la première heure, Dissonance Theory est un cadeau inespéré, une preuve que la flamme brûle toujours. Pour les amateurs de metal progressif, c’est une leçon de composition et de son. Et pour ceux qui découvrent le groupe, un excellent point d’entrée vers l’un des combos les plus singuliers et respectés du metal européen.
Dissonance Theory marque le grand retour de Coroner, à la fois fidèle à son héritage et tourné vers l’avenir. Un album réfléchi, puissant, et d’une précision chirurgicale qui confirme que le metal peut être aussi intelligent que viscéral.
