Live Report : MACHINE HEAD au Trianon (Paris) – 29 Octobre
Après le départ du guitariste Phil Demmel et du batteur Dave McClain, les hésitations du bassiste Jared MacEachern et les incertitudes quant au futur du groupe exprimés le frontman Robb Flynn, on pouvait craindre, en cette fin septembre 2018, la cessation d’activité de Machine Head. Cependant, grosse surprise en mars dernier, quand fût annoncée la tournée fêtant les 25 ans du mythique Burn My Eyes (« BME »), premier bébé de la formation. Surprise d’autant plus grande car il est annoncé que les concerts seront en deux parties, la première reprenant des classiques du groupes, avant la seconde qui verra BME être joué dans son intégralité. Ce dernier se verra interprété par Robb et Jared, mais également avec Logan Mader et Chris Kontos, guitariste et batteur de Machine Head au moment de la sortie de ce monument du metal ! Les fans français ne s’y sont pas trompés : il a en effet fallu moins d’une poignée d’heures pour écouler tous les billets de cette date parisienne (huit selon le site officiel, une selon Robb Flynn, un peu sûr de lui; dans les faits, on dira une demi-douzaine d’heures). Une seconde date dans notre capitale sera ajoutée dans la foulée, au lendemain de ce concert, avant qu’une autre tournée européenne, passant notamment par Lille et Toulouse, ne soit annoncée pour 2020. Nous faisons toutefois partie des chanceux ayant un sésame pour cette première date parisienne, ayant lieu au Trianon. Rendez-vous est fixé à 18h30 pour l’ouverture des portes, 19h30 pour le début du show.
C’est la troisième fois que nous avons l’occasion de voir Machine Head en salle parisienne, après un passage en 2016 déjà au Trianon et un passage au Bataclan en 2018 (qui fût d’ailleurs notre premier live-report pour TRexsound.com, et nous regrettons toujours autant ce « en cette soirée du samedi 24 mars au soir », mais bon, ce sont les erreurs des débutants !). Après le passage rituel au stand de merchandising (un peu décevant à notre goût), nous prenons place dans la fosse du Trianon. Comme d’habitude, nous ne pouvons nous empêcher de jeter un œil sur tout ce qui nous entoure, il faut dire que cette salle est vraiment magnifique, l’une des plus belles de Paris. La scène est un savant mélange de minimalisme et de détails, les logos du groupe sont affichés un peu partout, sur les murs et les tapisseries au sol, et un backdrop sobre et imposant est placé à l’arrière.
19h31, les lumières s’éteignent alors que le volume de la sono, diffusant Diary of a Madman d’Ozzy Osbourne, augmente brusquement. Une poignée de secondes plus tard, ce sont les premières notes de l’énorme Clenching the Fists of Dissent qui résonnent, précédant l’arrivée de la formation d’Oakland sur les planches. Le pit, moyennement rempli en ce début de soirée, se déchaine toutefois comme s’il était plein. Les « Fights » post-solos sont toujours aussi puissants, et clairement, la bande n’est pas venue ici pour enfiler des perles. Suit ensuite le très lourd Take my Scars, qui voit le pit se remplir un peu plus, avant d’être rempli (et de justifier le sold out du soir) lors de Now We Die, dont le couplet chanté est repris par l’ensemble de la salle, donnant un petit quelque chose de mystique. Très bonne surprise, c’est l’ultra violent Struck a Nerve, très peu joué ces derniers temps (première fois de la tournée, troisième fois depuis 2018) qui vient retourner le pit comme rarement. Nous n’avons pas souvenir d’un aussi grand déchainement de violence dans le pit, âmes sensibles s’abstenir !
Vient ensuite Locust, accompagné d’un éclairage tout en verdure du plus bel effet, faisant écho à la pochette de l’album Unto the Locust, avant le très bon I Am Hell (Sonata in C#), avec son ambiance infernale et son jeu de lumière tout en finesse, accompagnant la puissance quasi martiale du morceau. Robb Flynn vient alors entamer, comme à son habitude, un hommage au regretté Dimebag Darrell, avant de jouer les premières notes d’Aesthetics of Hate. Le public acclame et hurle alors le nom de Dimebag, avant de retourner s’entretuer dans le pit. Notons tout de même que le nouveau guitariste de la bande, Wacław « Vogg » Kiełtyka, membre de Decapitated, assure le solo presque aussi bien que Phil Demmel en son temps, et lorsqu’il headbangue ou regarde son manche, la ressemblance entre les deux est quand même assez visible. Matt Alston n’a pas non plus à rougir : le nouveau batteur assure ses parties avec puissance et conviction, comme s’il était présent au sein du combo californien depuis dix ans. Un joli recrutement réussi par Robb Flynn donc ! Nous avons d’ailleurs droit à une démonstration d’une partie de l’étendue du talent de Vogg lors d’un solo de deux ou trois minutes effectué par ce dernier, qui permet à tout le monde de reprendre un peu son souffle et ses esprits, avant que le groupe ne quitte la scène.
Pas d’inquiétude cependant, Robb Flynn revient assez vite sur scène, guitare acoustique en main, avec un petit discours, pour rendre une nouvelle fois hommage aux victimes du Bataclan, rappelant son émotion lors du concert d’il y a trois ans en ce même Trianon, et nous encourageant à vivre pour nous, de ne pas se soucier du regard des autres et de profiter de la vie comme on le souhaite. Un discours toujours très sympa et assez émouvant pour nous autres, qui nous souvenons très bien de ce long discours de 2016. Evidemment, guitare acoustique en main, on sait que c’est pour introduire Darkness Within, qui voit d’ailleurs Jared MacEachern growler lors de la fin du morceau, ce qui est très surprenant mais pas mauvais ! Fin du morceau chanté a capella par un Trianon bouillant, ce qui semble toucher Robb Flynn. S’ensuit alors Catharsis, bien meilleur en live qu’en studio, avant un From This Day qui vient une nouvelle fois faire sauter la fosse comme un seul homme. Avant Ten Ton Hammer, Robb s’amuse avec un jeune spectateur de 12 ans assis en gradins, félicitant son accompagnateur (vraisemblablement son père) de lui faire transmettre le goût des bonnes choses. C’est donc le colossal Ten Ton Hammer qui prend la suite, avant que le groupe ne conclue la première partie du concert avec le génial Halo, tout en maîtrise et en précision. Les nouveaux musiciens s’intègrent bien dans la bande, et si ce n’était pas Machine Head, on pourrait même s’estimer heureux d’avoir vu un concert de cette trempe ! Toutefois, notons un petit défaut : une setlist assez courte pour cette première partie (12 titres, alors que beaucoup d’autres shows ont eu le droit à 13, 15 voire 17 titres), et certains immanquables passés à la trappe comme Beautiful Mourning, ou encore, criminel, Imperium (aucun titre de Supercharger et surtout de Through The Ashes of Empires, très étrange !). Nous aurions, à titre personnel, également découvrir en live Do or Die, ou revoir Is There Anybody out There ?, mais tant pis, cela sera pour une prochaine fois. D’un autre côté, nous avons tout de même eu Clenching the Fists of Dissent et Sturck a Nerve, donc ne faisons pas la fine bouche !
Après cette bonne heure quarante, nous avons droit à un court entracte de 10 minutes, histoire de permettre à tout le monde une petite pause toilettes, boisson(s) ou encore pour permettre au public de débriefer cette première partie de soirée. Après ce temps mort, le groupe revient sur scène, sous la sono diffusant Real Eyes, Realize, Real Lies, pour la seconde partie du show, rendant donc hommage aux 25 ans de Burn My Eyes. Nous avons alors droit à la présence de messieurs Kontos et Mader, respectivement aux fûts et aux six cordes, tandis que MacEachen conserve sa basse (au vu de la guerre entre Robb Flynn et Adam Duce, nous ne sommes pas prêts de revoir ce dernier à la basse). Il est d’ailleurs amusant de constater que MacEachen est à la fois le membre le plus ancien de la première formation (hors Flynn, évidemment) et le membre le plus récent de cette seconde formation, venant donc nous interpréter BME. Assez drôle !
Ce qui est beaucoup moins drôle, c’est la puissance de Kontos sur le magistral Davidian. On est véritablement en droit de se demander de quelle manière il s’y prend pour taper aussi fort sans exploser ses peaux de batterie ! Le décor a changé, la scène, la typographie, le backdrop ou les différents accessoires sont désormais tous à l’effigie de BME. On sent une rage grandir, à la fois sur scène et dans le public, et c’est quelque chose qui fait très plaisir. Dès la fin de Davidian, batterie et basse s’accordent avant que toute la fosse renouvelle son exercice de saut en hauteur dès la fin de l’intro d’Old. Le tatoué Logan Mader, torse nu, donne tout et ne semble quasiment pas avoir pris une ride ou un coup de fatigue depuis la vingtaine d’années séparant son départ de son retour sur scène sous l’étiquette Machine Head : ce dernier saute partout comme s’il avait vingt ans de moins ! A Thousand Lies vient prendre la suite, avant None but My Own et son final dévastateur qui vient, à l’instar de Struck a Nerve, transformer le pit en un immense rassemblement de pogos et de circle-pits. Dès la fin de cette déflagration, les membres de la formation sortent de scène, sauf Chris Kontos qui, à l’instar de Vogg plus tôt, vient nous livrer un petit solo (de batterie cette fois donc) et nous permettre de reprendre un peu nos esprits.
Des suites de ce solo, le groupe revient en entier sur scène et nous distille coup sur coup The Rage to Overcome, où nous pouvons apprécier tout le doigté des guitaristes, Death Church, et surtout A Nation on Fire qui, tout comme None but My Own, vient distribuer lors de son final coup sur coup (jeu de mot totalement volontaire) dans le pit. Notons toutefois un petit point regrettable : les slammeurs. Comme nous le disons dans notre carnet de route du Hellfest 2019, nous n’avons rien contre les slammeurs. C’est toujours cool, sympa et marrant d’y participer, au-dessous ou en dessous. Toutefois, entre le mec d’une centaine de kilos passe pour la 10ème fois, celui qui s’appuie directement sur vos épaules pour monter sans vous faire signe, le type qui s’élance alors qu’il est à deux (!) rangs de la barrière de sécurité, l’autre qui moshe au-dessus des têtes et celui cherche absolument à rester au-dessus de tout le monde, y’a de quoi gâcher quelques morceaux du concert, comme Blood for Blood, que nous avons passé littéralement sous les slammeurs. Messieurs donc, tous ensemble, continuons de slammer, mais sans pourrir le concert des autres.
Revenons-en au plus important, c’est-à-dire la musique. Les lumières se tamisent, alors que MacEachearn s’avance sous la pénombre pour lancer l’introduction d’I’m Your God Now, véritable pépite de l’album trop peu jouée lors des dernières tournées à notre goût, qui voit une nouvelle fois la fosse se déchainer. A la fin de cette dernière, le frontman jette une serviette dans la fosse, que nous récupérons par chance : cela fera un chouette souvenir ! Robb Flynn prend ensuite la parole et nous remercie encore d’être là. En outre, il nous est également reconnaissant d’être toujours aussi fidèles au groupe après toutes ces années et nous exprime toute sa gratitude en repensant au jeune lui qui ne se serait jamais imaginer jouer à l’étranger, encore moins à Paris. Vient alors l’ultime morceau de la soirée, Block, qui vient aspirer les dernières forces d’un public totalement cuit. La petite photo rituelle, puis une distribution de baguettes, de peaux de batterie, de médiators et de setlists (nous récupérerons deux médiators et une setlist), et rideau.
C’est encore un show magistral que Machine Head nous a livré ce soir, avec près de trois heures et demie de concert. Performance d’autant plus marquante que la tournée est très longue et que le groupe ne prend quasiment jamais plus d’une journée de repos entre deux dates, quand il n’enchaine pas deux concerts en deux jours ! A la sortie du Trianon, divers vendeurs à la sauvette viennent vendre t-shirts et posters et, surprise, voilà monsieur Kontos qui se présente pour en acheter lui-même un, sans que le vendeur ne se doute de quoi que ce soit ! Image sympa, confirmée par la disponibilité du bonhomme, qui traine un peu pour distribuer autographes à la pelle, parler avec les fans et prendre la pose avec celles et ceux qui le souhaitent. Il sera imité par MacEarchearn, puis par Mader : dommage que Robb Flynn ne se soit pas présenté, cela aurait été la cerise sur le gâteau ! Dans l’attente du taxi pour rentrer et pondre ce report, nous tombons sur un tweet signé par un certain @olibeur, dont voici le propos : « La légende raconte qu’un jour Machine Head a donné un mauvais concert. Mais ce soir, comme toujours, c’était la branlée ». Nous n’aurions pas dit mieux. Merci messieurs, merci Machine Head, et à très vite !